500 millions réclamés à Serigne Mboup
La
banqueroute de l’ancienne usine
textile de Pikine a plongé prés de 253
ex-employés et leurs familles dans la misère.
Plus de onze ans après, ils n’arrêtent pas de réclamer au repreneur le paiement du reliquat de 40% de leurs
droits.
Les ex-travailleurs de la Société des
tissus de blanchiment et d’apprêt
/Société d’impression africaine (SOTIBA/SIMPAFRIC) ne sont pas contents du tout
de l’homme d’affaires Serigne Mboup, président de la Chambre de commerce de Kaolack.
Et pour cause, ils reprochent à ce dernier d’avoir fait main basse sur prés de
500 millions de francs représentant l’ensemble de leurs droits. En octobre 2010,
il est choisi par le gouvernement
d’alors comme repreneur de l’actif et du
passif de la SOTIBA-SIMPAFRIC et de la Société textile de Kaolack (SOTEXKA) des
cendres desquelles, il a fondé une nouvelle entité : Domaine industriel
textile de Kahone-Saloum (DOMITEXKA-Saloum). D’après les termes du protocole
d’accord signé, entre d’une part l’Etat du Sénégal, l’administrateur général de
la société DOMITEXKA, les travailleurs de la SOTIBA SIMPAFRIC et les
ex-travailleurs de la SOTEXKA et dont nous avons une copie, le repreneur devait
« traiter en priorité le dossier du passif social » des
ex-employés des usines textiles en faillite, avant de relancer la production.
En clair, DOMITEXKA-SALOUM s’était engagé à payer les arriérés et droits de retraite à tous les ex-travailleurs
de la SOTIBA ayant atteint l’âge légal au moment de la signature de l’accord, à
liquider les droits et arriérés de tous
les ex-travailleurs de la SOTEXKA et la SOTIBA-SIMPAFRIC.
En
contrepartie, de la prise en charge du passif social des travailleurs des deux sociétés,
le gouvernement s’engageait «à accompagner le repreneur pour l’obtention et la cession
de certains actifs ». Il s’agit, en l’occurrence, de deux titres
fonciers dont l’un est immatriculé : TF 78/DP est aujourd’hui muté au nom
de la Société nationale de recouvrement (SNR) et l’autre non immatriculé attenant
au site industriel de la SOTIBA. De même à l’instar des anciens repreneurs de
la SOTEXKA, l’Etat promettait de faire bénéficier à DOMITEXKA-Saloum des exonérations de droits et taxes sur ses
investissements matériels et matières premières importées, dans le cadre des
agréments normalement concédés par
l’APIX pour les projets industriels.
UN MILLIARD
A SERIGNE MBOUP
Joignant l’acte à la parole, 48 heures
seulement après la signature de ce protocole d’accord sous la supervision de
l’ancien ministre des Mines, de l’industrie, de l’agro-industrie et des PME, Abdoulaye
Baldé le Trésor public effectue trois
virements de crédits pour DOMITEXKA de Serigne Mboup dans un compte de la
société logé à la BICIS. C’était le 11 octobre 2010 exactement. Le lendemain 12
octobre, le PDG du groupe CCBM, Serigne Mboup en personne procède au retrait intégral du milliard de
francs CFA versé dans ce même compte
sans pour autant solder l’ensemble des droits des travailleurs, alors
que cet argent était sensé payer les arriérés d’indemnités des ex-travailleurs
de la SOTIBA qui sont sans ressources,
sans aucune autre source de revenus pouvant les permettre de prendre en charge
leurs familles. Ces derniers, ne réclament, en effet, à l’homme d’affaires que
476 332 257 millions, représentant le reliquat de 40% de leurs
indemnités. D’ailleurs, le tribunal régional hors classe de Dakar a rendu
en 2010 une décision de justice condamnant DOMITEXKA-Saloum et l’Etat du Sénégal à payer
ce montant aux ex-employés.
Suffisant pour les ex-travailleurs de
la SOTIBA pour qualifier le boss de
CCBM de « repreneur pas sérieux ». Cela d’autant plus qu’ils sont
convaincus avec preuve à l’appui qu’il y a de «l’argent sorti du Trésor public
pour aider DOMITEXKA à ne pas sombrer et surtout pour
régler quelques créances au premier rang desquelles le passif social ». Pour entrer dans leurs droits, le collectif
des ex-travailleurs de la SOTIBA a assigné
une nouvelle fois en justice l’Etat du Sénégal et Serigne Mboup. Une nouvelle procédure pendante devant
la justice. D’ici là beaucoup d’ex-travailleurs de la SOTIBA ne seront plus de ce monde comme beaucoup
d’autres qui sont déjà morts. «Il y a
parmi nous, des retraités qui attendent de percevoir leurs droits pour aller en
consultation, chaque jour nous sommes
sous la menace d’une expulsion par nos locataires, ceux qui ont des prêts bancaires
ne peuvent plus respecter les
échéances », témoigne NDiouga Sokhna, le porte-parole du collectif.
Des propos qui traduisent tout le drame social vécu par ces ex-travailleurs.
CRASH
DE DOMITEXKA
Au même moment, DOMITEXKA est entré
dans une nouvelle zone de turbulence. Et si rien n’est fait au sommet de l’Etat,
l’entreprise va inéluctablement vers un
crash. Et pour cause, après seulement un
an d’activité Serigne Mboup a annoncé la cession d’activité de son entreprise
qui fonctionnait jusqu’ici grâce à une partie du matériel de la SOTIBA
transférée à Kahone. « Il y a
urgence pour l’Etat de réagir s’il veut vraiment la relance de la filière
textile. Nous pensons que la société DOMITEXKA est viable et a la capacité de
recruter prés de 1500 emplois, mais
c’est le repreneur qui n’est pas à la hauteur. En trois ans, Serigne Mboup
n’arrive pas à faire travailler 253 travailleurs »,fustige Ndiouga Sokhna, porte-parole des ex-travailleurs de la
SOTIBA SIMPAFRIC. Son souhait est que les industries textiles soient la
priorité dans le programme de relance des entreprises en difficulté que le
gouvernement de Macky Sall a mis en place. Pour cela, il en appelle à
l’arbitrage du chef de l’Etat.
SOTIBA,
VICTIME DE LA FRAUDE ?
La SOTIBA a été un des pionnières de
l’industrie sénégalaise, à sa création en 1951. Très vite, elle connaît un
développement fulgurant jusqu’en 1980, date à laquelle l’Etat du Sénégal
décide de sa nationalisation. Deux sénégalais,
notamment Serigne Ndiaye Bouna et Tamsir
Mboup vont se succéder à la tête de l’entreprise, au début des années
90, au Marocain Mouhamed Mekouar, ancien ambassadeur de son pays à Dakar. Cette
période coïncide également avec les difficultés de la société textile qui subie
de plein fouet les conséquences néfastes de la fraude entre autres
difficultés. En effet, la fraude textile, malgré tous les efforts et
interpellations de la SOTIBA au niveau des autorités, continue de contrôler
100% du marché Wax et Lagos au Sénégal, dans des conditions
qui mettent la SOTIBA hors jeu et l’empêche
depuis plusieurs années de se
développer. Ainsi, en 1993, l’entreprise connaît un premier «arrêt technique » de 18 mois liés
aux problèmes d’écoulement des tissus. Elle reprendra en 1994 jusqu’en 2001. En
ce moment, l’Etat avait trouvé un partenaire en la personne de Jacques Secondi,
un homme d’affaires franco-indien. Il n’a pu relancer l’entreprise comme, il le
voulait. De décembre 2001 à septembre 2002, l’usine sera en arrêt prolongé. Suite
à cet arrêt de ses activités une première
restructuration permettra à la SOTIBA
de relancer ses activités de production entre 2003 et 2004 en vue d’améliorer sa compétitivité , de régler une grande partie de ses dettes
et de payer également une partie de son passif .
Le protocole d’accord signé le 1er
février 2007 entre l’entreprise dirigée
à l’époque par Jean-Marc Secondi et les
délégués du personnel et qui marque le deuxième plan de relance constate avec
regrets que «tous les objectifs de cette
restructuration n’ont pas pu être atteints ». C’est ce qui va aboutir
à la reprise de la SOTIBA et de la SOTEXKA par Serigne Mboup en octobre 2010. Mamadou SARR
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