REPORTAGE :
LA PORTE DU TROISIEME MILLENAIRE
Grandeur
et décadence d’un monument touristique
On
est bien loin du temps où le cœur touristique et culturel de la capitale
sénégalaise battait à la Porte du troisième millénaire. Aujourd’hui, ce
monument dépérit et est dans un piteux état.
Toute personne qui se
rend à la Porte du troisième millénaire doit observer un certain nombre de
mesures de sécurité routières. Pour cause, on y accède en traversant le
mini-pont au dessus du tunnel. Le carrefour qui sépare les deux voies de la corniche ouest oblige les véhicules en partance pour le centre- ville ou pour la Médina de
marquer une pause. Cependant, il ne
présente pas toutes les garanties de sécurité routière. Gare au piéton qui ne
regarderait pas à gauche et à droite avant de traverser. Il arrive que certains piétons se fassent
renverser par un automobiliste qui roule
à vive allure.
Une fois ce mini-pont traversé, on est à la Porte du troisième millénaire.L’endroit se situe en bordure de l’océan. Il fait face à la mosquée omarienne, à la
nouvelle maison de la presse et aux bâtiments annexes de la Direction de la Sécurité
publique, ex-Cité police sise à la
Médina.De la porte du troisième millénaire, on a une vue splendide les étages du Plateau qui contrastent avec
les maisons délabrées et hideuses de la Médina et de Rebeuss. Il était un peu plus de midi. Le soleil était au zénith et tardait ses rayons
solaires, malgré le vent assez fort qui souffle. De loin on entend le bruit des
vagues qui s’abattent sur les rochers derrière cette arche géant qui surplombe
les deux autres portes dont l’une et est
plus grande que l’autre. On peut lire
sur la plus petite porte un graffiti avec la mention : « libérez Béthio ».
La Place du millénaire
comme elle se présente aujourd’hui n’a rien voir avec ce qu’elle était, il y a
juste onze ans, c'est-à-dire lors de son inauguration en grande pompe par
l’ancien chef de l’Etat, Abdoulaye Wade et en présence du roi du Maroc,
Mouhamed VI. Depuis lors beaucoup a
d’eau a coulé sous les ponts. La Porte du millénaire a dépérit. Elle a une face
hideuse. Les installations électriques sont parties en lambeaux ou mangés par
la rouille. C’est le cas, par exemple, de ce cadre métallique qui servait à
abriter un écran géant de télévision qui menace de tomber sous le coup de
boutoir du vent. Mais, ce qui frappe le plus, le visiteur, c’est
la saleté qui s’amoncelle par endroit et qui fait que la Porte du troisième millénaire
est devenue un dépotoir d’ordures qui rappelle à bien des égards un Mbeubeuss bis.
Les Sachets en plastiques, les tasses de café, les coques d’arachide et gravats forment le gros lot. Certains pots de fleurs
sont renversés, d’autres cassés. A les voir, on sent que cela fait
longtemps qu’ils n’ont plus de fleurs.
Sous le monument lui-même, l’eau
symbole de purification, l’eau ne
coule plus. On peut même voir des chiens errer sur les lieux. Ce qui était
inimaginable, il y a quelques années. Et
pour compléter ce tableau hideux, des arbustes sauvages ont fini par occuper les lieux. Une situation que déplorent les photographes
qui exercent sur les lieux. C’est le cas de Cheikh Diallo, un homme mince et
grand de taille, son appareil photo en bandoulière. « La porte du millénaire n’est pas entretenue comme avant. Actuellement,
elle est à l’abandon. On ne sait pas entre
la mairie de Dakar et le gouvernement qui doit s’occuper de l’entretien du monument », déplore-t-il.
Pour ce photographe qui
exerce sur les lieux depuis 2003, les changements ont été nombreux. Il a vu
beaucoup de ses collègues photographes migrer vers d’autres cieux plus
cléments, depuis que les touristes étrangers et les promeneurs se sont réduits
comme peau de chagrin. « Nous étions
une dizaine de photographes qui exercions ici. Avec la construction du tunnel
l’accès est devenu difficile. Les photographes ne gagnent plus d’argent comme
par le passé. C’est pourquoi, beaucoup sont partis. Et, il ne reste plus que
quatre », souligne-t-il.De dix mille francs de recette journalière, il
contente maintenant de la moitié, parfois moins.
La porte du troisième
millénaire qui était prévue comme son nom l’indique faire entrer l’Afrique dans
le troisième millénaire n’est que l’ombre d’elle-même. Depuis que les touristes
et les promeneurs ont déserté cet endroit,
il est devenu un repère de bandits, d’enfants fugueurs, voire un haut lieu de
la prostitution au nez et à la barbe de la police dont les locaux se trouvent
en face. « La Porte du millénaire n’est
plus sécurisée. Les agressions sont devenues monnaie courantes. C’est pourquoi,
les gens ne viennent que la journée et rentrent avant dix-huit heures »,
Moustapha Lo, un vendeur de café Touba qui exerce sur les lieux. Toutefois, il
fait remarquer que de temps en temps
des policiers en civil rodent sur les parages pour dissuader les malfaiteurs.
Mamadou SARR